FFME iMag - Le magazine de la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade - 3 : Décembre 2014

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3-rencontre-Helias-L.jpg Helias lors d’un stage d’alpinisme hivernal avec l’ENAM ©Philippe Batoux
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Helias et Rémi Sfilio après 8 jours dans la voie slovaque au Denali. ©H.Millerioux
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Dans la lignée des grands alpinistes

Hélias Millerioux

De Pierre Alain à Robert Paragot, la région parisienne a souvent engendré de grands alpinistes. A 27 ans, avec déjà des très belles réalisations à son actif, Hélias Millerioux s’inscrit dans cette lignée. Original et attachant, doté d’un moral à toute épreuve, celui que l’on surnommait « le kurde » dans les équipes jeunes FFME fait partie de la nouvelle génération des jeunes alpinistes français, attachés au style alpin (parce que « on ne saurait pas comment s’y prendre avec des cordes fixes ! »), attirés par les belles lignes plus que par les chiffres et privilégiant avant tout l’amitié dans leurs projets de montagne.

Raconte-nous comment un parisien avec un nom de héros grec arrive à l’alpinisme…?

J’ai commencé gamin en faisant de la randonnée avec mes parents. Chaque été, on partait en vacances à la montagne. On n’y connaissait rien aux techniques de l’alpinisme et on s’arrêtait toujours au pied des glaciers. Quelque part c’était à la fois très frustrant mais aussi très intriguant. Je regardais les alpinistes qui continuaient plus haut, avec leur matériel… Puis un été, j’avais 11 ans, mon père a loué du matériel et on a fait notre première « course » : le col du Borgne. Il fallait passer sur un petit glacier (je ne suis pas sûr qu’il existe encore !). C’était fabuleux. Bon, on était en short et je me rappelle encore que j’étais encordé sur le porte-matériel du baudrier…


Comment le Guide de Haute Montagne que tu es devenu, jugerait cette situation ?

Je verrais ça maintenant, je serais outré ! Un père qui emmène son gamin sur un glacier, comme ça sans rien n’y connaître... Mais bon, à l’époque, sans être pauvre, on ne roulait pas vraiment sur l’or. Je suis originaire d’un milieu populaire et se payer un guide pour faire de la montagne c’était juste inimaginable… Chaque année, pourtant on est retourné faire une course par nos propres moyens. J’apprenais les techniques dans un livre et en avant !... Un été, j’ai rencontré un guide qui m’a expliqué qu’en venant de Paris, si je voulais progresser en montagne, il fallait que je fasse de l’escalade. A chaque rentrée scolaire, je tannais donc ma mère pour qu’elle m’inscrive à un club d’escalade. A l’époque, sur Paris, il n’y avait que des salles privées, donc trop chères. Et les clubs dont nous avions entendu parlé étaient tous en banlieue. Ma mère ne voulait pas que je prenne le RER. Le problème était réglé… Et puis finalement, un jour on a appris l’existence d’un mur dans le XIIIème arrondissement avec un club (Grimpe Paris 13, affilié à l’époque à la FFME et à la FSGT). Il y avait une très bonne dynamique, à la fois sur l’escalade et sur l’alpinisme. Chaque été, on faisait un stage dans les Alpes. C’est comme ça que j’ai pu commencer à vraiment pratiquer.


En 2009, tu as intégré l’Équipe Nationale d’Alpinisme Masculine (ENAM). Qu’en as tu retiré ?

Pour moi, ça a été un super tremplin. Quand tu es jeune, ces équipes ça te fait rêver... J’y ai appris plein de choses, que ce soit avec les « coachs » ou les autres jeunes. J’ai rencontré plein d’autres gens hyper motivés. Même si parfois j’ai eu du mal avec la vie en groupe. Je crois que comme tous les gens qui font beaucoup d’alpinisme, on a un gros ego. Ce n’est pas toujours évident de cohabiter ! Après, ces équipes, il ne faut pas se le cacher, elles te permettent d’intégrer plus facilement le « milieu » de l’alpinisme, d’obtenir une reconnaissance plus rapide…


La reconnaissance c’est important pour toi ?

On a toujours besoin de prouver des choses, d’être reconnu… Surtout quand tu es jeune. Mais maintenant j’ai l’impression d’y faire moins attention.


Les piolets d’or, par exemple, tu en penses quoi ?

C’est la reconnaissance de tes pairs. C’est important. Je ne vais pas cracher dans la soupe. Je serais content d’y être nominé. Je trouve que c’est parfois un peu hypocrite ceux qui disent qu’ils s’en fichent.


En alpinisme, on a parfois l’impression qu’il y a une différence entre la médiatisation de certains et leur niveau réel. Qu’en penses tu ?

Avant tout, on veut tous faire de la montagne parce qu’on a plaisir à être là haut et c’est le plus important. Après, tu as différents cas de figure. Ueli Steck est très médiatisé mais il est aussi monstrueusement fort. D’autres ont choisi de privilégier le créneau de la médiatisation. Et enfin, il y a des gens très forts qui ne sont clairement pas assez reconnus. Quand tu penses que Stéphane Benoist payait lui-même son matériel pour aller à l’Annapurna ! Après tout ce qu’il avait déjà fait… J’ai l’impression que c’est un cercle. Les médias ont besoin de remplir des pages. Les marques choisissent des gens qui jouent le jeu et comme elles ont une grosse influence sur les médias… Mais jouer ce jeu quand tu es alpiniste, ça demande beaucoup de boulot !


Comment arriver à comparer le niveau des meilleurs alpinistes ?

Plus que des différences de niveau, je trouve qu’il y a surtout des différences de caractère, de motivation. C’est hyper dur d’être objectif. Tout repose sur ton ressenti. Parfois, tu vas trouver un passage super difficile mais c’est juste parce que tu es fatigué ou parce que ce jour là tu n’étais pas en forme. A l’opposé, tu as des gens qui vont se mettre complètement au taquet dans une longueur et qui une fois en bas vont dire : « c’est nickel, il y a des top conditions, ça passe super bien… ». C’est pour ça que je prends toujours avec des pincettes les conditions annoncées. Quand je pars en montagne, je suis toujours un peu méfiant.


Tu as progressé rapidement dans une activité où l’expérience compte pourtant beaucoup. Tu as eu l’impression d’avoir de la chance ?

Je ne vais pas dire que j’ai eu de la chance car même si j’ai pris sans doute pas mal de risques pas toujours bien maîtrisés, je n’y fonçais quand même pas tête baissée. Mais disons que je n’ai pas eu de malchance…


Par rapport à cette notion de risque, qu’est ce qui a changé pour toi maintenant ?

Je pense que je fais des choses plus engagées mais en ayant beaucoup plus conscience de ce que je fais. Je dirais que je prends plus de risques mais que je me mets moins en danger.


???...

Oui pour moi, le risque et le danger sont deux choses bien différentes. Je trouve que le risque est lié à l’engagement. Le danger, c’est plus quelque chose d’imprévu qui survient. Je ne vais pas en montagne pour mourir. Si j’estime qu’il y a trop d’aléas, je n’y vais pas. Après tu as toujours des choses imprévues qui arrivent. Alors, j’essaye de préparer les courses au mieux et d’anticiper au maximum. Au fur et à mesure, j’ai l’impression d’arriver à anticiper plus de facteurs. C’est pour ça que quand on fait une expédition et que l’on essaye d’ouvrir une nouvelle voie, c’est toujours beaucoup plus facile quand il y a déjà eu des tentatives de dedans. Tu sais pourquoi les autres ont échoué et tu peux mieux te préparer.


Comment est ce que tu choisis tes projets d’expédition ?

Je suis un opportuniste ! Ce n’est jamais moi qui choisi le sommet. À chaque fois ce sont les copains qui ont décidé.


En deux ans, tu as réussi quatre très belles expéditions. Qu’est ce qui t’a marqué ?

Pour moi chacune de ces quatre expéditions représentent des choses différentes. L’Aconcagua, c’était la découverte de l’altitude, ma première grosse face. Le Dénali, c’était le marathon du style alpin. Huit jours, c’était vraiment long… Le Siula Chico, c’était la difficulté technique. Et le Boktoh, c’était un sommet vierge, la découverte…


Principales réalisations


Et maintenant, la suite ?

Là, on aimerait monter plus haut. La haute altitude, c’est grisant. Ça donne envie… J’ai des idées, mais je ne préfère pas en parler avant.


Comment tu te vois dans quelques années ?

Pfff… Il y a cinq ans, je ne faisais pas d’expéditions et je ne savais pas que j’en ferai un jour… En ce moment, les saisons s’enchaînent et tout se passe bien. Tant que je suis motivé et que j’y prends du plaisir, je continue. De toute façon, en expé, si t’es stressé, tu es sûr d’échouer.


Tu disais que faire de l’alpinisme coûte cher. Comment faudrait-il faire pour rendre la pratique plus accessible ?

Pour moi le mieux, ça reste la pratique en club avec le système classique de formation d’initiateur qui, à leur tour, forment les nouveaux pratiquants. A Paris, les clubs avaient mis en place un système de mutualisation du matériel qui fonctionnait bien. Au final, on arrivait à faire des sorties pour vraiment pas cher !


Tu travailles maintenant comme guide et tu défends toujours le bénévolat. Explique nous.

Il ne faut surtout pas mettre en confrontation professionnels et bénévoles. Certains guides n’ont pas compris que, plus il y avait de bénévoles qui initiaient des gens, plus il y avait d’amateurs, et plus il y aurait ensuite de clients pour les professionnels. C’est un cercle vertueux.


Tu as l’impression qu’il y a une baisse de pratique en alpinisme dans les clubs ?

Je crois que c’est très variable selon les endroits et selon les clubs. Je pense que c’est avant tout une histoire de volonté politique des dirigeants. Si tu as des dirigeants de clubs qui sont moteurs et motivés, ça marche forcément. Il y a de plus en plus de pratiquants sur SAE, et automatiquement parmi ces pratiquants, tu en as toujours qui sont attirés par la nature et la montagne.

Pour finir, je tiens à remercier la FFME pour toutes ces années de soutien depuis les équipes FFME jusqu'aux quatre bourses expéditions obtenues, ainsi que tous mes amis et les partenaires qui me suivent : Blue Ice et Scott, et, ponctuellement Garmin, Beal et OR.

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